La Cour de Cassation a cassé un arrêt de Cour d’Appel qui avait fait injonction à GOOGLE de supprimer l’ensemble des liens permettant d’accéder à des adresses URL à partir du nom et du prénom d’une personne qui se plaignait d’atteintes portées à sa vie privée.
Un particulier reprochait à la société GOOGLE Inc. d’exploiter sans son consentement, des données à caractère personnel le concernant, par le biais du moteur de recherche GOOGLE. Le plaignant avait fait constater que les recherches opérées sur le moteur avec des mots-clés intégrant son prénom et son nom permettaient d’accéder à des données concernant sa filiation et ses unions. La procédure de référé diligentée lui avait permis d’obtenir un arrêt de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence ordonnant à GOOGLE Inc. de supprimer les liens qui conduisaient ainsi à toute adresse URL identifiée et signalée au moteur de recherche comme portant atteinte à la vie privée du plaignant.
L’arrêt rendu le 14 février 2018 par la Cour de Cassation a sanctionné cette mesure de déréférencement général.
La Cour rappelle au visa des articles 38 et 40 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, que toute personne physique a le droit de s’opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fasse l’objet d’un traitement et qu’elle peut exiger du responsable d’un traitement que soient, selon les cas, rectifiées, complétées, mises à jour, verrouillées ou effacées les données à caractère personnel la concernant, qui sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées, ou dont la collecte, l’utilisation, la communication ou la conservation est interdite.
L’arrêt poursuit en reprenant les termes de l’arrêt que la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a rendu le 13 mai 2014 à l’encontre de GOOGLE, à savoir que « d’une part, l’activité d’un moteur de recherche consistant à trouver des informations publiées ou placées sur Internet par des tiers, à les indexer de manière automatique, à les stocker temporairement et, enfin, à les mettre à la disposition des internautes selon un ordre de préférence donné doit être qualifiée de « traitement de données à caractère personnel » lorsque ces informations contiennent des données à caractère personnel et que d’autre part, l’exploitant de ce moteur de recherche doit être considéré comme le « responsable » dudit traitement », au sens de la directive 95/46/CE relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement de données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données. La CJUE avait également confirmé que « l’exploitant d’un moteur de recherche est obligé de supprimer de la liste de résultats, affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir du nom d’une personne, des liens vers des pages web, publiées par des tiers et contenant des informations relatives à cette personne, également dans l’hypothèse où ce nom ou ces informations ne sont pas effacés préalablement ou simultanément de ces pages web, et ce, le cas échéant, même lorsque leur publication en elle-même sur lesdites pages est licite ». Il était notamment précisé que lorsqu’il est saisi d’une demande de déréférencement, le responsable du traitement « doit alors dûment examiner le bien-fondé de celles-ci et, le cas échéant, mettre fin au traitement des données en cause ; lorsque le responsable du traitement ne donne pas suite à ces demandes, la personne concernée peut saisir l’autorité judiciaire pour que celle-ci effectue les vérifications nécessaires et ordonne à ce responsable des mesures précises en conséquence ». A cet égard, « dans la mesure où la suppression de liens de la liste de résultats pourrait, en fonction de l’information en cause, avoir des répercussions sur l’intérêt légitime des internautes potentiellement intéressés à avoir accès à celle-ci, il y a lieu de rechercher, à l’occasion de cet examen ou de ces vérifications, un juste équilibre, notamment, entre cet intérêt et les droits au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel ».
Se fondant sur cette jurisprudence, la Cour de Cassation a jugé que « la juridiction saisie d’une demande de déréférencement est tenue de porter une appréciation sur son bien-fondé et de procéder, de façon concrète, à la mise en balance des intérêts en présence, de sorte qu’elle ne peut ordonner une mesure d’injonction d’ordre général conférant un caractère automatique à la suppression de la liste de résultats, affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir du nom d’une personne, des liens vers des pages internet contenant des informations relatives à cette personne ».
La Cour a par conséquent considéré qu’en prononçant « une injonction d’ordre général et sans procéder, comme il le lui incombait, à la mise en balance des intérêts en présence », la Cour d’Appel avait violé les principes tirés de la loi Informatique et Liberté.
Cour de Cassation, 1ère Chambre Civile, arrêt du 14 février 2018
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