Saisi par le Conseil d’Etat d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil Constitutionnel a jugé que l’assiette définie par le Code du cinéma et de l’image pour appliquer la taxe sur les éditeurs de chaînes de télévision, est contraire à la Constitution.
L’article 115-6 du Code du cinéma a institué une taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision qui ont programmé, au cours de l’année précédant celle de la taxation, une ou plusieurs oeuvres audiovisuelles ou cinématographiques éligibles aux aides financières du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Le a du 1° de l’article 115-7 de ce même code dispose que cette taxe est assise sur le montant des sommes versées par les annonceurs et les parrains, pour la diffusion de leurs messages publicitaires et de parrainage, non seulement aux éditeurs de services de télévision, mais aussi « aux régisseurs de messages publicitaires et de parrainage ».
La société EDI TV soutenait que ces dispositions méconnaissaient le principe d’égalité devant les charges publiques, au motif que la taxe à laquelle elles soumettent les éditeurs de services de télévision est en partie assise sur des sommes perçues par des tiers, à savoir les régies publicitaires. La requérante considérait ainsi que la taxe avait été établie sans tenir compte des facultés contributives de ses redevables.
La décision prise le 27 octobre 2017 par le Conseil Constitutionnel rappelle qu’en vertu des articles 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et 34 de la Constitution, « il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives ». Par voie de conséquence, « lorsque la perception d’un revenu ou d’une ressource est soumise à une imposition, celle-ci doit être acquittée par celui qui dispose de ce revenu ou de cette ressource. S’il peut être dérogé à cette règle, notamment pour des motifs de lutte contre la fraude ou l’évasion fiscales, de telles dérogations doivent être adaptées et proportionnées à la poursuite de ces objectifs ».
Or, en l’espèce, « les dispositions contestées incluent dans l’assiette de la taxe dont sont redevables les éditeurs de services de télévision les sommes versées, par les annonceurs et les parrains, aux régisseurs de messages publicitaires et de parrainage, que ces éditeurs aient ou non disposé de ces sommes. Elles ont ainsi pour effet de soumettre un contribuable à une imposition dont l’assiette peut inclure des revenus dont il ne dispose pas ». Le Conseil Constitutionnel a déduit de cette analyse qu’« en posant le principe de l’assujettissement, dans tous les cas et quelles que soient les circonstances, des éditeurs de services de télévision au paiement d’une taxe assise sur des sommes dont ils ne disposent pas, le législateur a méconnu les exigences résultant de l’article 13 de la Déclaration de 1789 ».
Le Conseil a néanmoins pris la précaution de reporter les effets de sa déclaration d’inconstitutionnalité.
La société requérante demandait une censure à effet immédiat, de manière à pouvoir réclamer au CNC le remboursement de l’ensemble des sommes qu’elle avait versées pour s’acquitter de la taxe. Le Conseil Constitutionnel a fait droit aux arguments du CNC qui dénonçait « un véritable effet d’aubaine » pour les éditeurs dans le cas où ils seraient habilités à demander le remboursement immédiat de la taxe versée.
« Afin de permettre au législateur de tirer les conséquences de la déclaration d’inconstitutionnalité des dispositions contestées », il a donc préféré reporter au 1er juillet 2018 la date de prise d’effet de sa décision. Dans l’attente de cette échéance, la taxe continuera à être prélevée en application des dispositions contestées du Code du cinéma. Et pour préserver l’effet utile de sa décision à la solution des instances en cours ou à venir, le Conseil Constitutionnel a par ailleurs jugé « qu’il appartient aux juridictions saisies de surseoir à statuer jusqu’à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi ou, au plus tard, jusqu’au 1er juillet 2018 dans les procédures en cours ou à venir dont l’issue dépend de l’application des dispositions déclarées inconstitutionnelles ». Il appartiendra alors au législateur, le cas échéant, de prévoir l’application des nouvelles dispositions à ces instances.
Conseil Constitutionnel, décision du 27 octobre 2017
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