Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) a prononcé trois sanctions successives à l’encontre de trois séquences du programme « Touche pas à mon poste » diffusé par la chaîne C8.
La première de ces décisions porte sur l’émission du 3 novembre 2016, au cours de laquelle ont été diffusées deux séquences enregistrées en caméra cachée et « mettant en scène un simulacre orchestré par l’animateur-producteur au dépens de l’un des chroniqueurs ». D’après le CSA, « la première de ces séquences montrait, sur une longue durée, l’animateur simulant une violente agression physique sur un tiers et contraignant le chroniqueur à en endosser seul la responsabilité ; ce n’est que lors de la seconde séquence, tournée le lendemain, que la tromperie est apparue comme ayant été révélée au chroniqueur ». Il était ainsi montré « aux téléspectateurs l’image d’un chroniqueur dans une situation de détresse et de vulnérabilité manifestes ».
Pour le Conseil, « ces faits caractérisent un défaut de retenue dans la diffusion d’images susceptibles d’humilier les personnes, constitutif d’un manquement grave aux stipulations » de la convention de la chaîne C8 qui énonce notamment que « l’éditeur veille en particulier à ce qu’il soit fait preuve de retenue dans la diffusion d’images ou de témoignages susceptibles d’humilier les personnes ». Le CSA retient à ce titre que « le fait que le chroniqueur, par ailleurs régulièrement moqué dans cette émission, soit apparu comme le seul, parmi l’ensemble des personnes piégées, à n’avoir appris que le lendemain qu’il avait été l’objet d’une manipulation d’une violence caractérisée, constitue une circonstance aggravante ».
Le CSA a ordonné à titre de sanction, la suspension, pendant une semaine, des séquences publicitaires au sein de l’émission litigieuse et de ses rediffusions, ainsi que celles diffusées pendant les quinze minutes précédant et suivant l’ensemble de ces diffusions.
La seconde décision également rendue le 7 juin 2017, porte sur l’émission du 7 décembre 2016, au cours de laquelle, l’animateur, prétextant un jeu, a pris la main de l’une des chroniqueuses en lui demandant de deviner, les yeux fermés, sur quelle partie de son corps il la posait. Le CSA rappelle « qu’après lui avoir fait toucher sa poitrine et son bras, l’animateur a posé la main de la chroniqueuse sur son pantalon au niveau de son sexe » et qu’au surplus « ces images faisaient penser aux téléspectateurs qu’en pareille situation, le consentement de la chroniqueuse n’était pas nécessaire ».
Or, la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et la convention de la chaîne C8 disposent respectivement que le CSA « assure le respect des droits des femmes dans le domaine de la communication audiovisuelle » et que « l’éditeur est responsable du contenu des émissions qu’il diffuse. Il conserve en toute circonstance la maitrise de son antenne ». Pour le Conseil, la séquence litigieuse, qui plaçait la chroniqueuse « dans une situation dégradante », véhiculait « une image stéréotypée des femmes » et qui au surplus, était présentée « dans une émission qui rencontre un écho particulier auprès du jeune public », caractérisait une atteinte grave au premier de ces textes. Il apparaissait en outre, que cette scène n’avait pas été diffusée en direct. Le « choix délibéré de l’éditeur » de diffuser cette séquence préalablement enregistrée marquait ainsi « une absence de maîtrise de l’antenne » constitutive d’un manquement au second texte précité.
La sanction de ces manquements a prolongé de deux semaines la suspension des séquences publicitaires ordonnée dans la précédente décision du CSA.
La troisième procédure de sanction à l’encontre de C8 portait sur une séquence de l’émission du 18 mai 2017 relative à une petite annonce publiée sur un site de rencontre et dans laquelle l’animateur de « Touche pas à mon poste » se présentait comme une « personne bisexuelle désireuse de faire des rencontres et le cas échéant, d’avoir des relations sexuelles ». La décision du 26 juillet 2017 expose que « le présentateur, adoptant une posture et une voix très efféminées et maniérées, visant à donner une image caricaturale des personnes homosexuelles, a discuté en direct avec plusieurs personnes ayant répondu à cette annonce et les a encouragées à tenir des propos d’une crudité appuyée, afin de les tourner en dérision auprès du public ».
Pour le CSA, ces séquences, « qui véhiculent des stéréotypes de nature à stigmatiser un groupe de personnes à raison de leur orientation sexuelle », caractérisent un manquement aux stipulations de l’article 2-3-3 de la convention de C8 aux termes desquelles l’éditeur doit veiller « à promouvoir les valeurs d’intégration et de solidarité qui sont celles de la République et à lutter contre les discriminations ». Dans ce contexte, l’éditeur ne pouvait pas se prévaloir de la liberté d’expression.
La décision relève au surplus, que « plusieurs victimes de ces canulars téléphoniques ont livré des informations personnelles et se sont prêtées à des confidences intimes relatives à leur sexualité sans avoir été informées de la diffusion publique de leurs propos, ni consenti à une telle diffusion ». Or, l’éditeur « n’a mis en place aucun procédé technique destiné à protéger leur identité et leur intimité afin d’éviter qu’elles puissent être reconnues, au moins par leur entourage ». Le CSA a ainsi considéré que ces faits constituaient un manquement aux stipulations de la convention de C8 qui impose à cet éditeur de respecter « les droits de la personne relatifs à sa vie privée, son image, son honneur et sa réputation tels qu’ils sont définis par la loi et la jurisprudence ».
La gravité des pratiques constatées a conduit le CSA a prononcé une sanction pécuniaire de trois millions d’euros à l’encontre de la chaîne.
Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, deux décisions du 7 juin 2017 et une décision du 26 juillet 2017
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